Pourquoi aimer Sliders ?
De façon générale, la série a obtenu un important
succès, et ce malgré les diffusions les plus chaotiques,
et autres déboires dus au départ de certains acteurs, ...
En effet, la saison 4 de Sliders a obtenu les
meilleurs scores d'audience de la chaîne
Sci-Fi depuis ses débuts, et des milliers de fans sur toute
la planète suivent avec entrain leur série favorite.
Comment peut-on expliquer un tel engouement ?
Pour ceux qui ne connaissent pas encore la série, Sliders raconte
les aventures de quatre voyageurs glissant entre les dimensions
parallèles. Sliders apparut d'abord au printemps 1995 sur la chaîne
américaine FOX et fut bientôt diffusée dans le monde entier. Après
avoir été annulée des programmes de la FOX,
la série est diffusée sur Sci-Fi Channel, avec la saison
5 récemment. |
Le concept de Sliders
Sliders est une série de science-fiction qui exploite le thème des univers parallèles, à travers le voyage entre les dimensions de quatre "glisseurs" ... Si l'on suit l'optique de ses créateurs Tracy Tormé et Robert K. Weiss, Sliders tente de réaliser un habile mélange entre la science-fiction, l'action, la romance, l'humour, et surtout la satire sociale.
La satire sociale
L'idée était donc de faire visiter aux quatre glisseurs des mondes différents de celui que nous connaissons, leur amenant ainsi les problèmes que tout étranger rencontre au contact d'une civilisation différente, et induisant une intéressante comparaison avec notre société capitaliste. Il n'est d'ailleurs pas étonnant de voir que Tormé fut obligé par la FOX de revoir les scripts de ses épisodes, car les histoires ne paraissaient "pas assez conventionnelles" pour la chaîne...
Ainsi, c'est notamment dans les deux premières saisons qu'on entrevoit les idées les plus intéressantes : on retiendra surtout Un Monde de Femmes (S1) dans lequel les femmes ont le total contrôle du pouvoir politique ! Ainsi, le sexe faible (titre original) arrive parfaitement à diriger les affaires publiques, mais les mêmes problèmes de discrimination, de ségregation sont présents, cette fois à l'encontre des hommes !... Un portrait de la société américaine nous est véritablement offert : la politique-spectacle entretenue par l'Amérique que nous connaissons ne résiste pas à la critique de Sliders. En effet, dans le même épisode, le Professeur Arturo, poussé à se présenter à des élections municipales, procède à un étonnant jeu de comédie, qui ne manque pas de faire grimper les sondages en sa faveur !
Toujours dans le même esprit, l'épisode Un
Monde de Justice Méditatique (S3) attire notre attention sur
les dérives des médias populaires : les procès sont
ici de véritables jeux télévisés, à l'issue
desquels l'accusé est jugé d'après le vote des spectateurs,
et sa sentence est déterminée au hasard en tournant une roue
de loterie !
L'autocritique omniprésente permet donc de montrer du doigt l'irrésistible
dérive des chaînes télévisées américaines,
(et par extension de nos chaînes nationales), qui se complaisent dans
les "Reality-Shows". Sliders aborde en effet des sujets universels
et on n'a aucun mal à transposer la critique sociale jusqu'à
ce côté-ci de l'Atlantique.
C'est donc de façon détournée, que Sliders
nous ouvre les yeux sur certaines failles de nos sociétés.
Des tas de mondes différents se présentent alors : des mondes
où la monarchie règne encore, où la France détient
l'Amérique, où les intellectuels sont
placés au même rang que les sportifs dans notre monde,
où les jeunes dirigent la société jusqu'à 30
ans, où les stratégies des entreprises ne sont pas si loin
des combats de cow-boys, où la peur de la technologie freine tout
essor, où le nazisme s'est étendu jusqu'en Californie, etc.
C'est d'ailleurs cette grande diversité de scénarios permise par le concept de la série qui a séduit l'ensemble des acteurs. Ils reconnaissent à l'unanimité que Sliders est une aventure dfiférente à chaque épisode, qui leur permet d'exercer leurs talents d'acteurs dans des genres aussi variés que la science-fiction, la comédie ou encore le drame.
Un monde parfait ?
L'analyse va plus loin encore en proposant même de nouveaux
modèles de société : dans Un
Monde Parfait, le bonheur semble avoir gagné la vie des quelques
millions d'habitants qui restent sur la planète, à l'écart
donc de la surpopulation. Comment éviter la surpopulation ? Par un
système ingénieux de loterie, vous pouvez retirer de l'argent
gratuitement quand vous voulez, et plus vous retirez, plus vous avez de
chances de gagner à la loterie ! Si vous avez la chance d'être
vainqueur, vous voilà traité comme un véritable prince,
encore plus heureux qu'avant !
Le seul problème, c'est que les gagnants de la loterie sont en fait
désignés pour être sacrifiés ! C'est ainsi que
la surpopulation est évitée ! Cependant, les gagnants sont
sacrifiés tout à fait honorablement, et vivent leurs derniers
jours dans l'euphorie la plus totale, jusqu'au "Passage vers la Vérité"....
"Horreur !" s'exclament les glisseurs ! Comment
peut-on sacrifier sciemment des personnes régulièrement ?
La réflexion du professeur Arturo nous éclaire alors : est-il
plus humain de vivre à 4 milliards d'individus sur la planète,
avec une élite privilégiée laissant mourir la masse
de la population, pauvre et malheureuse, ou de vivre en nombre réduit
en garantissant le bonheur de la population par le sacrifice d'individus
pleinement volontaires et qui ont pleinement rempli leur vie ?
Le débat reste ouvert....
Néanmoins, on pourrait interpréter l'épisode Pilote Un Monde selon Lénine (S1) comme étant l'expression d'un certain anti-communisme, mais il faut se garder de juger trop vite : seuls les mondes autoritaires fourvoyant les masses sont jugés ici, et ce n'est pas nécessairement l'éloge du modèle capitaliste qui est faite là, puisqu'à plusieurs réprises il sera critiqué dans les épisodes suivants...
Sans tenter une analyse trop forcée, on peut réfléchir sur la valeur de l'épisode Un Monde d'envahisseurs (S2) : les envahisseurs en question, les Kromaggs, ne sont pas des extra-terrestres, mais viennent d'une autre dimension ; la question peut alors être posée ainsi : et si le danger venait non pas de l'extérieur comme l'intolérance nous le laisse souvent penser, mais de l'intérieur, c'est-à-dire en nous, sous une forme particulière de notre évolution ?
Un autre aspect de Sliders est donc visible : grâce à la théorie des mondes parallèles, il est facile de comprendre que chaque acte de notre vie a de multiples répercussions qui entretiennent toutes des liens de causalité. Les univers visités par les Glisseurs sont bien des "réalités alternatives", des mondes où l'histoire s'est déroulée différemment. Le champ est donc vaste pour explorer des thèmes variés : la société de consommation, la science et la morale, le bonheur, la religion, le sexisme, la justice, le racisme... D'ailleurs, difficile de survivre dans un monde sous le joug d'une dictature extrémiste pour un chanteur noir tel que Rembrandt, comme on le voit dans California Reich (4è saison). Et si Hitler n'était jamais arrivé au pouvoir ? Et si les Russes avaient remporté la Guerre Froide ? Et si Einstein n'avait pas fait ses découvertes ?
Finalement, Sliders nous incite à examiner attentivement les conséquences de nos actes, tout en diffusant un message d'espoir, puisque seule l'action est valorisée. La série nous pousse donc à croire en notre pouvoir de changer les choses. Et Rembrandt s'aperçoit rapidement qu'il aurait dû accepter certains contrats pour s'assurer le succès de ses chansons !
L'humour Sliders
Il est agréable de remarquer que Sliders réserve
toujours une place importante à l'humour, dans le regard porté
sur les différentes sociétés. Ainsi, la série
est souvent ponctuée de touches humoristiques, entretenues par les
personnages : on est loin de l'atmosphère sombre de certaines séries
de SF pourtant tout à fait appréciables (X-Files, Dark Skies,...)
Dans les premières saisons, Rembrandt est l'élément
humoristique majeur, son statut de "Glisseur malgré lui"
lui conférant un recul indéniable dans l'analyse des événements.
D'autre part, les situations sont parfois traitées sur un mode burlesque,
comme lorsque les Glisseurs tombent dans des mondes dont les moeurs leurs
sont difficilement acceptables ! Enfin, il est inutile de parler des rencontres
des personnages avec leurs doubles, qui mènent à de savoureeux
numéros de comédie...
Sliders procède même à un exercice d'autocritique permanent,
voire d'autoparodie ! La complicité avec le téléspectateur
est donc assurée...Une complicité qui s'exerce d'ailleurs
à tous les niveaux lorsque les traits caractéristiques à
chaque personnage éclairent les épisodes. Ainsi, on assiste
avec délices aux inénarrables colères du Professeur
Arturo, prononçant son juron favori "Imbécile Heureux
!", un homme résolument cultivé qui ne manquera pas de
surprendre pas son expression profondément imprégnée
de références bibliques et mythologiques : dès le pilote,
après avoir glissé et entraîné Rembrandt dans
le vortex, il s'exclame : "Jésus Marie Joseph ! Je crois que
je viens de voir Dieu et je jurerais qu'il conduisait une Cadillac !"
Un monde de relations
Contrairement à certaines séries, Sliders nous montre des personnages qui divergent bien souvent dans leurs opinions. C'est sans aucun doute une forme de richesse inégalable, car elle permet un véritable point de vue critique et dynamique des situations. Ainsi, le téléspectateur est rapidement invité à prendre parti dans les discussions et différends entre les 4 glisseurs, en se forgeant une pensée personnelle grâce aux éléments apportés par chacun d'eux. Paradoxalement, ce principe rapproche énormément les personnages, car ils vivent tous la même aventure, mais la ressentent différemment, ce qui finalement leur confère un statut de groupe "soudé".
Néanmoins, à l'issue des deux premières saisons, la FOX semble avoir trouvé qu'il manquait encore de piment à une sauce trop fade à son goût... C'est ainsi que le personnage de Maggie Beckett arrive vers la fin de la saison 3, rajoutant encore une dose particulière de conflits internes, notamment avec Wade, le seul personnage féminin de départ.
Un Monde de Glisses mouvementées
Certains scripts sont surprenants par leurs rebondissements,
qui tiennent véritablement le téléspectateur en haleine
pendant toute la durée de l'épisode ! A ce titre, l'épisode
Un Monde de Renommée (S2) exploite admirablement le concept
des doubles, ce qui donne lieu à une intrigue des plus complexes
et des plus riches !
Le schéma structurel classique d’un épisode de Sliders s’organise autour
d’un seul monde visité, avec bien souvent dans le teaser (la séquence-amorce
placée avant le générique de début d’un épisode) une dernière scène du monde
précédant la Glisse. Dans les premières saisons, on entrevoit éventuellement
le monde suivant, à la fin de l’épisode, mais il semble que la production
ait rapidement cessé ce genre de pratiques pour garantir une certaine cohésion
en cas de diffusion des épisodes dans un ordre différent. Toutefois, ce
schéma est parfois complètement bouleversé, et au sein d’un même épisode,
il n’est pas rare de se laisser porter par le vortex pour visiter des mondes
qui se succèdent à une cadence effrénée, garantissant un dynamisme incontestable.
Rencontres au hasard d'un vortex...
A proximité d'Hollywood, il serait difficile de ne pas songer à des histoires d'amour à l'écran... Le téléspectateur va ainsi suivre l'évolution de la relation Quinn-Wade (shipper !), puis celle de Quinn-Maggie, d'autres parleront d'une éventuelle relation Wade-Rembrandt (!) ... On comprend bien que dans un voyage aussi tourmenté et déroutant, les personnages en viennent vite à s'attacher, car ce sont leurs seuls « points de repères »... A l’inverse, Quinn revendiquera l’innocence de sa jeunesse, en multipliant les histoires d’amour - sans lendemain - au fil des épisodes ! De façon générale, tous les Glisseurs (même le Professeur Arturo !) vivent des aventures sentimentales, qui s’avèrent néanmoins peu fructueuses, tant le fossé culturel et interdimensionnel est grand... De plus, il leur faut toujours abandonner leur nouveau compagnon : la Glisse n’attend pas !
Se garder de juger trop vite
Pour connaître la série Sliders telle que les créateurs Robert K. Weiss et Tracy Tormé l’avaient imaginée, il faut sans conteste se focaliser sur la 1ère saison, certes assez courte. Cependant, chacun des 9 épisodes est un véritable petit bijou, face auquel il serait difficile de rester indifférent. Le rythme est soutenu, l’intrigue incontestablement étudiée sous tous les angles, avec des dialogues bien souvent percutants. Avec la 2ème saison, Sliders reprend son souffle en travaillant la profondeur de ses personnages, qui montrent, à la lueur du vortex, des facettes aussi étonnantes qu’intéressantes... D’ailleurs, il est difficile de ne pas s’attacher à l’idylle inavouée de Quinn et Wade, qui dévoilent les blessures sentimentales de personnages en mal d’affection. Au cours de cette saison, l’équipe marche mieux que jamais.
En revanche, certains épisodes de la 3ème saison ont particulièrement déçu les téléspectateurs, car les scénarios semblaient beaucoup moins aboutis, voire parfois peu crédibles... Toutefois, certains épisodes sortent incontestablement du lot (Un monde sans ressources, un monde retrouvé, Un monde de justice médiatique, ...) On peut regretter en effet l'usage abusif des effets spéciaux à la fin de la saison 3, dû à un plus gros budget. (On voit donc bien que l'argent n'amène pas nécessairement les meilleurs épisodes !) Les scénaristes sont alors tombés dans le piège des monstres sortis de nulle part, et se sont totalement écartés du concept de départ. Ainsi, le public peut être tenté d’abandonner Sliders au bout de cette saison. Certains voient dans cet échec l’arrivée des idées peut-être inadaptées de David Peckinpah, d’autres tout simplement l’essoufflement de la série.
Toutefois, on peut se réjouir de certains changements opérés dans la 4ème saison. Malgré la disparition terrible et irrémediable du personnage de Wade et du Professeur Arturo, on note un certain retour vers l’analyse sociale, l’humour, sûrement au détriment du rythme imposé autrefois par les monstres (!). Certes, la trame générale suivie par la 4è saison paraît complètement fantaisiste. Les épisodes Kromaggs sont bien trop présents, et n'ajoute aucune crédibilité à la "recette Sliders". Et pourtant, les premiers épisodes de cette nouvelle saison ont ainsi obtenu des résultats d’audience jamais atteints dans l’histoire de la Sci-Fi ! En effet, cette 4ème saison voit l’apparition d’un talentueux scénariste, Keith Damron, qui signe quelques épisodes, particulièrement inventifs et captivants. Malgré les changements d’acteurs, la 5ème saison tente de suivre cette tendance, avec toutefois des histoires plus complexes, plus imprégnées de science et de technologie. Damron se veut d’ailleurs rassurant : « cette saison ressemble plus à la 1ère que disons... la 3ème » [ndw : ce qui n'est pas trop dur !] . Enfin il ajoute : « il reste beaucoup d’humour notamment dans THE RETURN OF MAGGIE BECKETT, A CURRENT AFFAIR, et paradoxalement dans A THOUSAND DEATHS. (...) Egalement beaucoup de satire sociale dans la saison 5. »
L’évolution de Sliders n’a donc rien d’une descente aux enfers.
Elle est le fait d’une suite de bouleversements plus ou moins heureux, donnant
lieu à des épisodes inégaux. Mais les scénaristes semblaient l'avoir compris
: ils ont saisi la raison de l’engouement du public aux commencements de
la série, et ont tout fait pour renouer avec un concept au potentiel énorme.
Malheureusement, les départs de Tracy Tormé et de Robert K.
Weiss, les deux gardiens de l'esprit de la série, ont signé
sa perte.
En bref, il est conseillé d'avoir une vision d'ensemble et de retenir l'idée
dans laquelle les créateurs ont développé la série à ses débuts. En effet,
Sliders propose bien des visions intéressantes, et il serait dommage de
s'en priver par un jugement hâtif.
Le Minuteur.
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